Bonjour,
Henri Malin, un des anciens de la Cie, vient de mourir. Vous trouverez son portrait sur le site de l’ordre de la libération.
Mais pour le quitter sur un petit clin d’œil malicieux, je vous propose cet texte venant du « chemin le plus long ».
****
L'ASPIRANT MALIN SE LAISSE POUSSER LA MOUSTACHE
Forêt des Zaër, 12 novembre 1943.
Entre officiers d'unités diverses (et hostiles) les choses ne se règlent pas toujours à un meilleur niveau. Henri Malin en a fait l'expérience avec trois lieutenants du 12e Chasseurs.
Il y a deux soirs, il était invité à une « surprise-partie » en ville, à Rabat. A cette occasion, il portait ses barrettes qui peuvent susciter, selon les personnes, l'admiration, la jalousie ou la rancune : Croix de Compagnon de la Libération, Croix de Chevalier de la Légion d'honneur, military cross, pour ne citer que les décorations de premier rang. Cette batterie devrait suffire à intimider les nouveaux promus de l'armée d'Afrique...
Après une soirée fort joyeuse, vers 23 heures, il rentre au camp avec un jeune Français du Maroc, nouvel aspirant à la 3e Compagnie du 501, qui a bu plus que de raison. Et il essaie de l'empêcher de faire trop de scandale en rentrant à Témara.
- Et ce sont eux qui vous ont attaqués ? demande le commandant Cantarel qui l'a convoqué au P.C. du régiment en même temps que Divry et le nouvel aspirant de la Trois.
- Absolument, mon Commandant. Trois lieutenants du 12e Chasseurs qui ne sortaient pas de la même soirée que nous. Dans la rue.
- Pourquoi n'avez-vous pas porté plainte, lieutenant, ou du moins rendu compte de l'incident à votre capitaine ?
- J'en ai parlé au capitaine Divry. De toute façon, avec la gueule que j'ai, je ne pouvais pas dissimuler qu'il y avait eu de la casse...
Effectivement, Malin a le visage tuméfié et surtout une vilaine balafre qui lui barre horizontalement la lèvre supérieure. Il est plus abîmé que l'autre aspirant. L'autre, d'ailleurs, prend tout sur lui, reconnaît qu'il a fait du tapage malgré les efforts de Malin pour le calmer. Si celui-ci a pris le plus gros, c'est qu'il a cherché à s'interposer, à faire appel à la bonne tenue des adversaires.
- Et un coup de poing vous a déchiré la lèvre...?
- Un coup de poing américain, mon commandant, je n'avais pas vu qu'il serrait cette ferraille dans le poing, il y a des pointes qui déchirent la chair... J'en ai évidemment parlé avec le capitaine Divry... Déclencher une enquête, cela nous a paru inopportun, à cause de toutes les affaires qu'il y a avec les giraudistes, je veux dire avec les nouveaux régiments de la division... Le général Leclerc nous a bien expliqué que l'important, maintenant, c'était de souder en un seul corps et un seul esprit toutes ces unités...
- ... Oui, mais les Chasseurs, eux, ont porté plainte, et en vous mettant toute la responsabilité sur le dos, d'autant plus qu'ils ont un grade supérieur. Qu'allez-vous faire?
Malin se passe la main sur les agrafes de sa cicatrice d'un air dubitatif et finit par déclarer :
- Je crois que je vais me laisser pousser la moustache, mon commandant.
Et tous éclatent de rire.
- Divry est au courant, ajoute Cantarel, vous savez que la 1re Compagnie va être dissoute, pour insoumission générale et obstinée.
Ils quittent le P.C. pour se rendre au mess: l'atmosphère est lugubre.
***
Pour apprécier l’humour de ce texte, il faut savoir que le Général Giraud avait une belle moustache et que ses partisans étaient surnommés les « moustachis »
Amicalement
Jacques