Bonsoir - Bonjour,
Le livre de Jean Bruller/Vercors, graphiste avant la guerre, est l'une des premières oeuvres originales de qualité qui affirment l'existence d'une résistance littéraire à l'occupation nazie. Si dès la fin de 1940, des tracts sont rédigés et distribués qui préfigurent les futurs journaux clandestins des mouvements en devenir, la littérature française - celle qui n'est pas exilée - semble durant la première année de l'Occupation anesthésiée, assommée ou affligée par la défaite, l'armistice et Vichy. Des écrivains opportunistes ou politiquement convaincus de la collaboration culturelle avec le Reich sont déjà sous le charme vénéneux de Heller et surtout du redoutable Otto Abetz qui avait reçu l'ordre de Berlin de relancer l'édition française afin de créer l'illusion d'une vie littéraire retrouvée.
Parvenir à faire imprimer et distribuer clandestinement un roman de cette qualité sous une présentation soignée et pour cela monter une maison d'édition est un vrai tour de force dans les conditions de l'époque. Si le travail souterrain de Jean Bruller/Vercors et de Pierre de Lescure - qui pouvaient compter sur un réseau de complices comme Jean Paulhan et François Mauriac (qui donnera un célèbre "Cahier Noir" à Minuit) - n'a pas la dimension spectaculaire des coups de mains et des sabotages des unités de l'A.S ou du PCF, il est tout aussi essentiel pour le moral d'une partie de la population qui respecte ses écrivains mais attend d'eux les signes clairs de leur engagement résistant.
Cordialement,
René Claude |