Victor Serge, dans ses
Mémoires d'un révolutionnaire 1901-1941, Seuil, coll. Points, 1978, p. 147 signale que Bela Kun
"avait accordé aux derniers combattants des armées blanches [en Crimée, NDLR]
une capitulation promettant l'amnistie et le retour au travail... Ensuite, il en avait ordonné le massacre. Des milliers de vaincus furent ainsi exterminés pour trahison, pour "nettoyer le pays". On a dit : treize mille, mais il n'y a pas de statistiques, ce chiffre est probablement exagéré. N'importe, je rencontrai plusieurs témoins horrifiés de ces tueries par lesquelles un révolutionnaire faible de caractère et d'intelligence vacillante avait stupidement tenté de se poser en "homme de fer"."
L'historien Orlando Figes confirme l'existence de cette fausse promesse des bolchéviks, précisant que l'ancien général tsariste Broussilov, l'un des héros de la Grande Guerre et l'un des meilleurs officiers russes de sa génération, avait été approché par Sklianski, l'adjoint de Trotsky au commissariat aux Affaires militaires, afin d'obtenir sa signature sur un document promettant aux officiers blancs de Crimée l'amnistie s'ils se rendaient. On fit même miroiter à Broussilov un poste de commandement à la tête d'une armée regroupant ces ex-Blancs devenus Rouges. Naturellement, c'était un leurre. Les officiers qui avaient cru à la promesse du tract s'étaient rendus à l'Armée rouge, qui les avait tous supprimés - voir Orlando Figes,
La Révolution russe. 1891-1924 : la tragédie d'un peuple, Denoël, 2007, p. 884-885.
La répression se poursuivit en 1921, mais il demeure difficile d'en dresser un bilan exact, car c'est également cette année là que débuta une famine qui faucha plusieurs millions de personnes dans une Russie bolchevisée mais exsangue. Arkadi Vaksberg,
dans son livre intéressant mais inégal, ne fait pas toujours preuve d'une rigueur absolue, et il me semble que le chiffre de 150.000 exécutés soit revu à la baisse. Ce qui reste en définitive assez spécieux : le fait est que des prisonniers furent massacrés après promesse d'amnistie, et que la répression liquida de nombreux autres civils. Là est l'essentiel.