Bonsoir,
Dans un article "Hitler et les Flamands",
Jours de guerre, tome 2, Crédit Communal de Belgique, 1990, (p. 125 et suivantes) l'historien belge Jean Stengers propose un éclairage méconnu sur une raison plausible de l'Haltbefelt.
Après avoir fait l'inventaire des raisons militaires et/ou politiques - des plus ou moins plausibles aux totalement invraisemblables (sic) - avancées par de nombreux historiens, Jean Stengers en ajoute une dernière en étayant son hypothèse sur des préjugés raciaux : Hitler souhaitait intégrer la Flandre dans le Grand Reich et épargner les Flamands considérés comme étant de "race" germanique.
Une directive générale de l'OKH, du 23 mai 1940, mentionne pour les opérations à venir :
... d'épargner dans toute la mesure du possible les grandes villes du pays flamand, à la conservation desquelles la direction politique attache du prix (Auf deren Erhaltung die politische Führung Wert legt)
Notons que l'armée est priée de se plier à un impératif politique dicté par l'autorité politique c'est-à-dire Hitler. Le lendemain tombera l'ordre d'arrêt devant Dunkerque.
Halder, le chef d'Etat-major général de l' OKH avait conçu un nouveau "
Sichelschnitt" (coup de faux) selon lequel les blindés allemands auraient percé d'Armentières vers Ypres et Ostende. L'objectif était d'isoler complètement l'armée belge et une partie de Corps expéditionnaire britannique et ensuite de prendre Dunkerque à revers.
Halder note dans son journal, en date du 25 mai :
Maintenant, l'autorité politique [Hitler] se met en tête qu'il ne faut pas livrer la bataille décisive dans le territoire des Flamands (das Gebiet der Flamen). On camoufle sous des raisons militaires "cet objectif politique" (Die politische Führung... (...) dieses politische Ziel).
Ce passage du journal de Halder avait frappé William Shirer, l'auteur de "
Rise and Fall of the Third Reich". Shirer demanda des éclaircissements à Halder lui-même. Celui-ci répondit dans une lettre de juillet 1957 :
D'après mes souvenirs toujours très vivants, Hitler, au cours de nos conversations de l'époque, appuyait les motifs du Haltbefehl en suivant deux ordres de pensée. Les premières raisons qu'il invoquait étaient d'ordre militaire: la nature du terrain qui ne convenait pas aux chars, les pertes sévères qui en résulteraient et qui affaibliraient l'attaque imminente sur le reste de la France, et ainsi de suite. Mais, ajoutait Halder, le Führer donnait une seconde raison qu'il savait que nous, soldats, ne pouvions pas discuter, puisqu'elle était politique et non militaire. Cette seconde raison était que, pour des motifs politiques, il ne voulait pas que la bataille finale décisive, qui inévitablement causerait de grands dommages à la population, se déroule sur un territoire habité par le peuple flamand. Il avait l'intention, disait-il, de faire du territoire habité par les Flamands, population d'ascendance allemande, une région nationale-socialiste indépendante, en les liant étroitement à l'Allemagne. Ses partisans en terre flamande avaient travaillé dans ce sens depuis longtemps; il leur avait promis d'éviter à leur pays les ravages de la guerre. S'il ne tenait pas cette promesse, leur confiance en lui serait sérieusement atteinte. Ce serait là pour l'Allemagne un désavantage politique que lui, en tant que chef politiquement responsable, devait éviter.
Quel crédit accorder à cette hypothèse d'un Haltbefehl pour des motifs idéologiques pour ne pas dire racistes ?
Les certitudes !
- Déjà le 10 avril 1940, un mois avant l'invasion de la Belgique, des instructions sont données pour le traitement des prisonniers de guerre. Il faudra, disent ces instructions, séparer les Flamands et les Wallons et envisager pour les deux groupes un traitement différent.
- Le 28 mai 1940, le matin même de la capitulation de l'armée belge, une directive indique :
"Séparer les Flamands et les Wallons. Libérer les Flamands, emmener probablement les Wallons, renvoyer chez eux les ouvriers"
- Le 5 juin 1940, des instructions plus précises sont données : les prisonniers issus des provinces flamandes doivent être relâchés, ceux issus des provinces wallonnes et de Bruxelles seront transportés en Allemagne à moins qu'ils ne puissent établir leur appartenance flamande. Notons que, dans la pratique, tous les prisonniers de guerre flamands seront libérés et rapatriés entre octobre 1940 à février 1941.
- 14 juillet : une instruction laconique :
"toutes les faveurs aux Flamands, aucune aux Wallons".
- Nous avons déjà mentionné la directive du 23 mai ainsi que l'interprétation de Halder (voir plus haut) : Hitler tenait à épargner les Flamands.
- Halder parle des partisans en terre flamande ! Une organisation clandestine, la "
Militaire Organisatie", émanation du VNV, mouvement nationaliste flamand sous la direction de Staf De Clercq, aurait infiltré l'armée belge pour miner le moral des soldats flamands. Les résultats furent modestes; seuls quelques régiments hissèrent le drapeau blanc avant même de combattre. Par ailleurs, avant mai 40, Staf De Clercq avait des contacts avec l'
Abwehr au sujet de sa propagande clandestine.
Anecdotique mais jamais confirmé !
Le général Van Overstraeten, informé des intentions allemandes d'encercler l'armée belge et non de l'attaquer, aurait fait placer des barricades à la frontière franco-belge garnies de pancartes "
Ici Belgique". Les mauvaises langues diront des pancartes "
Hier Flandern"
Bien cordialement,
Francis.