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Batailles & Blindés / Collectif

En réponse à -7 -6 -5 -4 -3 -2
-1ce que voulait Hitler en Afrique ? de 13emeDBLE

Faire illusion de Nicolas Bernard le dimanche 23 septembre 2007 à 22h15

Votre interprétation n'est nullement incompatible avec ce que j'écris. Si "rien n'est prévu après mai 41", c'est parce que Hitler ne va pas au-delà : il compte conclure un armistice avec l'Angleterre avant l'invasion de l'U.R.S.S. Rappelez-vous que c'est le 10 mai 1941 que Rudolf Hess s'envole pour la Grande-Bretagne, porteur de sa mission de paix.

Dans le contexte du printemps 1941, tout est organisé par le Führer pour 1) pousser l'Angleterre à se rendre au moindre coût et 2) faire croire aux Soviétiques que l'essentiel de l'effort de guerre sera destiné contre l'Angleterre, et non au "grand opéra" de l'Est.

D'où des démonstrations de force, avant tout spectaculaires, mais qui au final ne cherchent guère à détruire un Empire britannique dont Hitler conserve un respect évident (voyez Mein Kampf). Un feu d'artifice davantage qu'un tir d'artillerie, si vous préférez :

1) au printemps 1941, les grands navires de surface allemands accomplissent des sorties (parfois simultanées) dans l'Atlantique, le dernier en date n'étant autre que le supercuirassé Bismarck le 18 mai 1941 : une offensive massive, mais échelonnée (d'abord le Hipper, puis le Scharnhorst et le Gneisenau, de janvier à mars, le Bismarck et le Prinz-Eugen en mai), ce qui relève - si l'on excepte la sortie norvégienne d'avril 1940 - du jamais vu chez la Kriegsmarine, laquelle s'était signalée par sa passivité pendant la Grande Guerre (à l'exception du Jutland) ;

2) au même moment, Hitler fait miroiter à la France de Vichy une politique de collaboration militaire, qui aboutirait à un soutien logistique apportée à l'armée germano-italienne à partir de l'A.F.N. et à la prise de contrôle, par l'Axe, de l'avant-poste du Levant ;

3) ces menées diplomatiques s'accompagnent d'une politique de déstabilisation de l'Irak, dont les éléments pro-nazis s'insurgent en avril - et seront écrasés avant l'été ;

4) Hitler approche également les Japonais, qu'il presse d'entrer en guerre contre l'Angleterre pour conquérir Singapour (ce qui explique entre autres pourquoi Tokyo conclut un pacte de non-agression avec Staline, en avril 1941) ;

5) le Blitz est maintenu alors que son inutilité stratégique est démontrée (au sens où l'industrie britannique tient le coup) : la nuit où Hess se rendra en Grande-Bretagne correspondra à celle du plus grand raid jamais lancé sur Londres par la Luftwaffe ;

6) des hiérarques de l'armée allemande, de Göring à Paulus, effectuent de fort peu discrètes visites d'inspection en Norvège et en France, tandis que se multiplient les rumeurs - d'origine nazie - sur un prochain débarquement en Grande-Bretagne ;

7) la Yougoslavie est impitoyablement écrasée en avril 1941, et la Grèce est envahie le mois suivant, avant l'assaut final sur la Crète, où l'on expédie au casse-pipes les très médiatiques parachutistes de Student.

Parallèlement à ces axes d'"offensive", un corps expéditionnaire mécanisé est envoyé par les Allemands en Libye, dirigé par l'un des meilleurs adeptes du Blitzkrieg. L'envoi du D.A.K. ne peut s'expliquer autrement que par ce contexte, par cette stratégie globale. Car qu'est amené à voir le parlementaire britannique lambda ? Qu'est-il amené à déduire, en regardant une carte ?

Les voies de communication de l'Atlantique sont menacées par les sous-marins, tandis que les bâtiments allemands voguent impunément sur les mers. La France de Vichy va entrer en guerre, menaçant l'A.E.F., Gibraltar, la Méditerranée dans son ensemble, en apportant un soutien maritime décisif à la Regia Marina, isolant Malte. Rommel va repousser les Britanniques en Libye et peut-être même entrer en Egypte, qui sera prise à revers par des troupes allemandes déferlant des Balkans et prenant pied en Syrie et au Liban avec l'aide des Français, et en Irak avec l'aide des insurgés locaux. A l'autre bout du monde, le Japon risque de se lancer à l'assaut de Hong Kong et Singapour. Bref, l'Empire est menacé de mort, ce d'autant qu'un débarquement se prépare et que les raids aériens se poursuivent inlassablement.

Ce parlementaire britannique, Churchill ne peut en perdre le soutien. Alors il va tenir, avec tous les moyens du bord : liquidation de la présence vichyste en Syrie, avec utilisation des gaullistes pour conférer une plus grande légitimité à l'opération, qui frappe tout de même un ancien allié ; soutien militaire à la Grèce ; ordre express de détruire le Bismarck (en particulier après l'explosion du Hood) ; multiplication des appels du pied à Staline ; emprisonnement de Rudolf Hess ; écrasement de la rébellion irakienne ; lancement de l'opération Battleaxe en juin 1941.

C'est une partie d'échecs, et Rommel est... disons, un cavalier - Halder parlerait plutôt de fou ! ;-) Mais Hitler ne veut l'emporter par un échec et mat, parce qu'il a une autre partie simultanée à jouer, avec Staline. Il veut simplement faire plier l'adversaire en lui montrant qu'il ne peut que perdre s'il persiste à lutter.

En ce cas, le D.A.K. n'est pas un simple os à ronger donné à Halder et Raeder - Hitler se contrefiche de leur avis, comme ils vont finir par le comprendre, l'un et l'autre en devant quitter leur poste dans les 18 mois. Et ce n'est pas le genre de dictateur à laisser la place au hasard.

Pourquoi Rommel, d'ailleurs, au risque de mécontenter les Italiens ? Hitler n'ignore certes pas que le général allemand a affronté les Italiens pendant la Grande Guerre. Mais il a d'abord besoin d'un bon général, d'un bon chef de chars, d'un officier de surcroît parfaitement loyal, d'autant plus fidèle qu'il doit tout au Führer. Il risque de poser problème aux Italiens ? Possible, mais tant mieux.

Et pourquoi donc ? En nommant Rommel à la tête du D.A.K., il me paraît évident que Hitler envisage une reprise rapide de l'offensive en Afrique du Nord, mais ne peut annoncer la couleur à des Italiens encore secoués par leur défaite. A ce titre, il ne peut y expédier un officier supérieur (doué et politiquement fiable) trop accomodant à l'égard du Commando Supremo, et qui se soumettrait à la stratégie prudentissime de ce dernier. Il lui faut un général qui sème le bazar en Libye.

Il y a autre chose. En envoyant Rommel en Afrique, et en l'y maintenant, Hitler manifeste discrètement à Mussolini sa prise de contrôle du secteur méditerranéen. Le dictateur nazi n'ignore pas que le Duce veut dépecer l'Empire britannique, à la différence du Führer qui tient à le maintenir intact. Pas question, à ce titre, de laisser l'Italie faire main basse sur l'Egypte et le Soudan lorsque viendra l'heure des négociations avec l'Angleterre, d'autant que la stratégie assez tordue de Hitler l'amène à se présenter en ami des Arabes contre le colonialisme ! En faisant de la victoire en Méditerranée une victoire allemande, Hitler prive Mussolini de toute possibilité de faire valoir ses vues à la conférence de la paix.

Bref, aux yeux de Hitler, Rommel réunit toutes les qualités : compétence, mésentente probable avec les Italiens, esprit d'initiative, goût du spectacle et de la gloire.

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