Bonsoir ou bonjour,
Jean-Luc Barré, je le redis ici, à pu travailler sur les archives du général de Gaulle auxquelles il eut un accès libre et à ce jour unique pour un chercheur grâce à l'autorisation de l'amiral Philippe de Gaulle.
On lit encore assez souvent que Charles de Gaulle aurait été un maurassien convaincu - entre autres affirmations sur ses conceptions politiques - jusque à la veille de la Seconde guerre mondiale. L'auteur de "Devenir de Gaulle" nous montre que durant l'entre-deux guerres, le futur chef de la France libre n'a en rien adhéré aux thèses royalistes de l'Action française, bien au contraire :
"Contempteur d'une troisième République minée par les scandales et l'instabilité, le de Gaulle des années trentes préconise "un renforcement, au mieux une restauration de l'ordre", ainsi qu'il le déclare peu après la crise de février 1934 - mais rien chez lui n'indique pour autant la moindre aspiration à l'ordre totalitaire. S'il l'avait souhaité, le militant de l'arme blindée - sa seule idée fixe à cette époque - eût trouvé accueil du côté des ligues paramilitaires, des associations d'anciens combattants et autres groupes de pression plus ou moins fascisants qui fourmillent alors dans le pays.(...) Mais le fait est que ses milieux de prédilection sont ailleurs. Le seul cénacle qu'il fréquente assidûment à cette époque est celui, foisonnant d'"opinions pour lui inhabituelles", qui gravite autour d'un vieil officier de gauche, le colonel Mayer, ami de Jean Jaurès et de Romain Rolland, utopiste et libre penseur - l'un des rares hommes dont il se soit déclaré le disciple. Et l'unique adhésion qu'on lui connaisse est celle qu'il accorde, en juin 1938, aux "Amis du Temps présent", association d'intellectuels catholiques antifascistes patronnée par François Mauriac et Jacques Maritain. Jusqu'à la guerre, ses quelques soutiens dans la croisade qu'il a entreprise viendront indifféremment de droite comme et de gauche : de socialistes tels Philippe Serre, Marcel Déat (note : encore à gauche à l'époque, plus pour très longtemps) et Léo Lagrange, et d'un élu conservateur de premier plan, Paul Reynaud."
(p. 26)
Il faut ajouter à cela que certains des hommes politiques, des journalistes, des historiens et des militaires les plus hostiles au chef de la France libre ont bien évidemment tout fait pour propager des rumeurs et des contre-vérités à propos d'une adhésion de Charles de Gaulle à l'Action française. Il n'en fut rien. La dimension mystique de la philosophie personnelle de de Gaulle doit beaucoup plus à la pensée de Péguy qu'à celle de Maurras. Ses notes et courriers en font foi.
Je le répète, J.-L. Barré a travaillé longtemps sur les archives inédites du Connétable et a pu lire les brouillons (nombreux) de ses oeuvres, mais aussi sa correspondance officielle, officieuse et privée et des notes et mémos politiques dont une partie seulement est à ce jour publiée.
Mais les clichés ont la vie dure...
Cordialement,
René Claude |