> Mais je me pose une question, et j'espère ne pas être le
> seul: la négation des crimes nazis est punie par la
> loi... pourquoi pas ceux du communisme, tout aussi
> odieux? Je ne comprends pas bien cette dychotomie, bien
> française (ô bienveillance à l'égard des criminels
> d'extrême gauche!).
La répression du négationnisme néo-nazi s'inscrit dans une démarche antiraciste, laquelle bénéficie d'un arsenal législatif conséquent. De surcroît, ce négationnisme a revêtu l'allure d'une intense campagne de propagande. C'est pourquoi, à danger raciste grandissant, sanction pénale adaptée.
Il n'en est pas de même du négationnisme communiste. Pour méprisable qu'il soit, il n'entre pas dans un domaine déjà réglementé (racisme et terrorisme). Sa négation ne prend, quoi qu'on en dise, pas l'ampleur de la haine antisémite attisée par les faurissoniens. Pour un Ludo Martens ou une Annie Lacroix-Riz, je vous sors dix, vingt négationnistes de l'autre extrême.
Qui plus est, l'Histoire des communismes revêt des divergences selon les latitudes et les longitudes, la notion de "communisme" étant en elle-même équivoque. L'Histoire du stalinisme, pour ne citer qu'elle, est encore en progrès, alors que le génocide juif est relativement bien connu, quant à ses modalités, quant à l'intention criminelle.
Evidemment, tout système communiste a abouti à une dictature. Mais le maoïsme se distingue du stalinisme, lui-même étant une variante du léninisme, lequel était un marxisme adapté à la Russie (je résume cent ans de débats intellectuels). Quant au génocide cambodgien, il est certes lié, à mon sens, à l'intolérance propre à toute idéologie communiste, mais découle par trop de la mentalité spécifique aux Khmers rouges. Tout du moins, la question fait débat.
C'est pourquoi il me paraît difficile d'élaborer un dispositif pénal similaire à la "loi Gayssot" en matière de négation des crimes communistes. Sur quelle référence se baser ? La sanction internationale du génocide ? La notion est discutée pour ce qui concerne la famine en Ukraine, inapplicable pour Katyn (crime de guerre), inopportune pour le Goulag. La notion de "crime" ? Trop vague, et de nature à conférer un pouvoir de qualification aux juges qui ne leur appartient pas et doit demeurer aux mains des historiens - pour autant qu'ils ne s'affranchissent pas des règles qui font l'honneur et la liberté de la profession. Quant à la notion de "communisme", elle est éminemment variable.
En bref, le risque d'atteinte aux libertés est bien trop grand, mon inquiétude d'un dérapage judiciaire bien trop élevée, pour que je souscrive à une telle répression. Ce point de vue, qui relève de la technique juridique et est susceptible d'évolution, n'exclut évidemment pas le fait que les intellectuels français ont du mal à gérer le passé communiste, ce qui explique à mon avis qu'aucune tentative n'a été effectuée de réprimer le négationnisme communiste. |