Bonjour,
Un extrait :
"Le lendemain 30 novembre, au matin, nous apprenons que nous allons être passés en revue par le général de Montsabert. Il vient d'être nommé à la tête d'une nouvelle formation de volontaires : « Les Corps Francs d'Afrique ». Nous y avons été versés d'office , à titre administratif. Le général vient donc inspecter ses premières troupes.
Un vent de révolte nous secoue. On n'arrivera donc pas à échapper à cette putain d'armée de « couche-toi_là », de défaitistes, de pétainistes, de collabos. On se monte mutuellement la tête.
Vers midi, on nous rassemble : le général est arrivé. Il est accompagné du colonel Filipo. Ils ont pourtant des bouilles sympathiques.
Nous ne sommes qu'environ quatre-vingt. Pour que nous paraissions plus nombreux, on nous aligne sur un seul rang.
Le général, petit homme râblé à fine moustache, se fait présenter les hommes un par un. A tour de rôle, chacun s'avance d'un pas, salue, et se présente :
-le Moal, condamné à mort
-Cornec, condamné à mort
-Le Solleuze, condamné au bagne à perpétuité.
Et cela continue, avec Marchal, Durand et d'autres, tous , en apparence, gibiers de potence.
Bientôt mon tour devrait arriver, je me sens complexé, car je n'ai pas été condamné.
Le général, lui, ne sait quelle contenance prendre. Il arrête là notre casier judiciaire. Pour rattraper la situation, d'un verbe viril et énergique, il nous fait une belle harangue sur la reprise du combat, pour la France.
Mais nos oreilles et nos coeurs sont fermés . A la fin, notre camarade Marchal s'avance d'un pas et, d'une voix forte, répond :
« Mon général, au nom de tous mes camarades, nous ne voulons pas de vous pour nous commander. Nous ne voulons pas d'officiers pétainistes »
le général , déjà rouge de visage, vire au violet-. Il tourne les talons et s'éloigne , rageur. Philippe Ragueneau l'accompagne, essaie d'amortir le coup et lui explique que la seule armée dont nous acceptons les ordres est celle qui n'a pas déposé les armes en juin 40, qu'il avait notre sympathie, mais que nous ne pouvions transiger sur nos principes. pendant de temps le colonel Filipo vient vers nous et nous parle, navré et gentil.
« Mais, mes enfants, vous vous trompez. Nous sommes gaullistes. Le général de Montsabert qui commandait Blida a accueilli les Alliés à bras ouverts, sans combat »
C'était vrai, mais il était trop tard.
Nous n'avons plus revu ce brave général victime de notre juvénile injustice."
Source : « Le sel, la cendre et la flamme » de H. Rosencher
Magnifique livre.
Cordialement
Laurent |