A propos des corsaires, M. Harbi explique :
En 1492, date inscrite au plus profond de la mémoire algérienne, les armées de la reine Isabelle et du roi Ferdinand s'emparent du dernier bastion musulman d'Espagne, Grenade. Dans la foulée de la Reconquista et sous couvert d'une croisade religieuse, les Espagnols implantent des enclaves (présides) sur les côtes du Maghreb. Affaiblis après l'éclatement de l'Empire almohade, émietté en Etats et en principautés autonomes, les gouvernants maghrébins ne sont pas en mesure de faire face à leurs anciens sujets espagnols aspirant à devenir leurs maîtres. Leur sauvetage viendra des corsaires turcs ottomans qui, à l'appel de la villed'Alger, prennent pied au Maghreb dès 1518 et, pour consolider leur présence, se mettent sous la protection de la Sublime Porte qui leur fournit une armée, la milice des janissaires (Odjak). A l'exception du Maroc qui réussit à préserver son indépendance à la fois contre les Espagnols et contre les Ottomans en pratiquant un jeu à bascule entre les deux, le reste du Maghreb se réfugie sous la bannière turque, "sans y reconnaitre un signe de colonisation" (Ben Achour, 2003). La légitimation du pouvoir ottoman, considéré comme l'héritier de la tradition islamique, trouve sa justification dans sa capacité à défendre les frontières de l'islam contre l'offensive ibérique. Et l'historien d'ajouter que ce recours ottoman ne fut pas partagé par tous les chefs de l'élite d'Alger et que des oppositions furent muselées.
Une fois encore, je me méfie de l'analyse unidimentionnelle et ethnocentrique des événements historiques. Le renversement de perspective me semble plus que jamais utile.
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