Bonsoir,
Je pose les mêmes réserves que celles émises par Jacques Guémard quant à cet auteur qui fut très populaire durant les années 60 et 70 en Europe de l'Ouest. Si ma découverte à l'adolescence de ses ouvrages consacrés à la guerre à l'Est ou au D-Day reste un bon souvenir, la nostalgie ne doit pas occulter la réalité de l'engagement et de l'activité de certains auteurs qui ont bénéficié d'une forme de clémence au cours des deux décennies après la fin de la guerre. Je songe aux soirées des "Dossiers de l'Ecran" à la TV française qui proposaient des débats intéressants mais dont les paramètres idéologiques étaient en général absents ou minorés. La participation d'unités de la Wehrmacht aux massacres de masse sur le front de l'Est ne fut jamais abordée dans ces "Dossiers" télévisés, de même la pénétration de l'idéologie nationale-socialiste dans le corps des officiers allemands n'a jamais été le thème d'un débat, en tout cas, je n'en garde pas le souvenir... A l'époque, on considérait que les chefs de la Wehrmacht et de l'Abwehr s'étaient, dans l'ensemble, comportés de façon régulière durant la SGM et que toutes les atrocités avaient été commises par le SD/Gestapo, les SS et les Waffen SS. Ces livres publiés dans la collection bleue "J'ai Lu" reflètent assez justement cette vision d'une armée allemande qu'on nous présentait alors comme un bastion de l'esprit prussien, traditionnaliste, dur, mais respectueux des lois de la guerre et dont les chefs n'avaient pas adhéré au nazisme. 20 années furent nécessaires pour que des historiens militaires intègrent les éléments politiques à leurs recherches sur la Wehrmacht. Antony Beevor dans ses deux ouvrages récents destinés à un large public :"Stalingrad" et "Berlin" (Ed de Fallois) met en évidence le sens idéologique de la guerre menée par la Wehrmacht. Plus spécialisé, le travail de Bartov (Hachette/Littératures) sur le comportement des jeunes soldats à l'Est et leur participation à des crimes commis contre des civils montre que le matraquage constant auquel ils furent soumis leur enlevait tout sentiment de culpabilité. Il constate également que très rares furent les officiers "traditionnels" qui émirent des protestations orales ou écrites sur ces crimes de guerre et sur la participation d'éléments de la Wehrmacht à des crimes contre l'humanité.
Bien à vous,
René Claude |