Mr Debrose, je ne me cache pas sous un pseudonyme : Louis Stien est mon vrai nom. J'étais officier de renseignements du 1er Bataillon Etranger de Parachutistes, et à ce titre ai bien connu les conditions dans lesquelles a été préparée et lancée cette bataille (la plus coûteuse de toute la guerre d'Indochine), les messages échangés, les renseignements possédés, obtenus. Et aussi la manière invraisemblable dont cette bataille fut conduite : disproportion énorme et CONNUE des forces en présence, absence de toute réserve de manœuvre (abc du métier).
Le colonel Constant est resté au loin, n'a pas pallié les insuffisances de transmissions par un survol aérien pour faire relais. L'aurait-il fait lui-même qu'il se serait rendu compte du terrain, qui n'est pas celui que l'on croit deviner sur la carte au 1/100.000°. Ce qui lui aurait évité d'ordonner l'ordre incroyable d'attaquer de nuit un adversaire retranché dans un terrain montagneux fort tourmenté.
J'ai bien connu le colonel Charton, que vous citez comme témoin à décharge et décédé depuis longtemps.Car j'étais comme lui prisonnier des VM suite à cette affaire, et ilo n'était pas tendre (euphémisme)pour le colonel Constans. Vous m'étonnez infiniment en le présentant comme favorable au colonel Constans. Ses propos d'alors étaient bien différents.
Vous connaissez sans doute "la complainte de la RC4", dont les paroles furent écrites avec humour, certes, ce qui ne veut pas dire erronées, par des officiers parachutistes prisonniers lors de cette affaire. Chanson n'est pas forcément vérité historique. En l'occurrence elle l'est, écrite par des acteurs qui ont payé cher (4 ans de "rééducation", pour ceux qui ont survécu) d'avoir été lancé dans cette affaire dans des conditions militaires jamais vues :
"Et tout ça était commandé
Par un gazier qu'était resté
Loin en arrière
C'était Constans qu'il s'appelait
Grâce à lui nous avons paumé
La zone frontière".
La qualité première d'un chef, c'est de prévoir. Et d'être responsable des résultats.
Le résultat ?
Des pertes incroyables, humaines et matérielles.
- humaines: sur les 5.000 hommes des colonnes Charton et Le Page (7 bataillons à effectifs incomplets, éléments du Génie, de l'Artillerie et du Train), 800 rescapés ont pu regagner That Khé avant son évacuation. On admet le chiffre de 1.800 tués ou morts de leurs blessures (1.600 à Dien Bien Phu pour 16 bataillons en plusieurs mois de combats). Les survivants iront pourrir dans les camps de prisonniers à la mortalité effarante, plus de 60% en moins d'un an.
- matérielles : dans la bataille, le repli précipité des garnisons et la non destruction de la citadelle de Langson, sont perdus 13 canons, 450 véhicules, 120 mortiers, 3 pelotons blindés, 240 mitrailleuses, 1.200 fusils-mitrailleurs, 8.500 fusils.
En munitions : 12 500 obus de 105 (plus qu'il n'en sera tiré à Dien Bien Phu!), 6 500 obus de 75, 17 000 obus de 3 pouces7 , 14 000 grenades, 7 000 rockets, 5 millions de cartouches, soit 1 500 tonnes de munitions. (Munitions détruites à Cao Bang par le colonel Charton : 150 tonnes).
Car le colonel Constans, après avoir en présentant comme une nécessité urgente d'abandonner Lang Son, a obtenu de le faire, et il l'a fait dans des conditions de précipitation engendrant la panique. Combien de nos soldats sont morts dans les années suivantes avec cet armement et ces munitions laissées à l'ennemi ? Je dis laissées, car il n'y avait pas urgence. Aucun dispositif de destruction en place, instantané ou à retard.
Mais le colonel Constans a emmené tous ses bagages, et même ses deux perruches (les témoignages écrits ne manquent pas). J'ai déjà dit que dans le Sud Marocain, il était surnommé "Le colosse aux pieds d'argile". Ce n'est pas un racontar : j'étais en 1947 au Groupement Porté de la Légion, PC à Agadir, les Cies dans le Sud.
Allons, Mr Debrose, dites donc qui vous êtes, pour être ainsi partisan acharné de l'indéfendable.. |