Dans "Au Bon Beurre", Jean Dutourd raconte comment un officier prisonnier dans un Oflag refuse de s'évader, parce qu'il pense à sa carrière, et prépare son concours d'entrée à l'école de guerre(sic). Les militaires de carrière sont des fonctionnaires comme les autres, et pensent à la solde, au tableau d'avancement, et au respect de la hiérarchie, garant d'une progression de carrière harmonieuse.
Vouloir à tout prix trouver une explication idéologique et idéaliste, c'est perdre le contact avec la réalité.
La rupture de Gaulle - Pétain ne date pas de 1940, mais de la rédaction de "la France et son armée". Pour une rivalité d'auteur, le Connétable a perdu la faveur de l'ombrageux maréchal. Il a cru pouvoir prendre ce risque, celui-ci ayant moins d'influence dans l'armée, et se vouant à un poste honorifique d'ambassadeur. La défaite de 1940 a bouleversé la donne. De Gaulle a trés bien compris que dans une France gouvernée par Pétain, sa carrière était fichue, et que son grade de général de brigade à titre temporaire, non seulement ne lui serait pas confirmé, mais qu'il allait être envoyé croupir dans une affectation minable. Ce n'est pas attenter à sa gloire et à sa mémoire de supposer que cet élément, qui faisait de lui un desperado, lui a facilité l'exil, et la grande aventure. A noter que quand il a contacté Weygand pour le supplier de venir à Londres, (ce qui témoigne d'un beau désintéressement personnel) celui ci lui a fait répondre "Si le colonel en retraite de Gaulle (sic) veut correspondre avec le général, il doit le faire par la voie régulière".
Pour les sans grade des FFL, la motivation est tout aussi hasardeuse, aventureuse, c'est leur peau qu'ils ont mis sur le plateau de la balance, et la plupart d'entre eux n'ont pas connu la Libération.
Les naphtalinards, ensuite, ont eu beau jeu de jalouser "les grades et les médailles", en fonctionnaires jaloux.
Il fallait bien qu'on crée de nouveaux officiers, ceux de tradition étant restés prés de la gamelle vichyste.
Pour ne parler que des FAFL, que je connais le mieux, aucune étoile de première grandeur n'a rejoint LOndres.
Pourtant, quels cadres prestigieux auraient pu être des gens comme Fonck, Saint Exupéry, Guillaumet, Le Gloan, Marin la Meslée, pilotes de raids d'avant guerre, pilotes de chasse de 40. Ils ont tous préféré rester "fidèles au maréchal", pendant que les jeunes volontaires des FAFL fondaient dans la fournaise.
Pire même, Fonck a recruté 200 pilotes pour combattre AUX COTES DES ALLEMANDS dans la bataille d'Angleterre en été 1940. Mais les Allemands, méprisants, ont décliné l'offre.
Et nombreux ont été ceux qui ont combattu les Anglais et les Américains, sans le moindre état d'âme. De la Syrie à Casablanca.
Evidemment, quand le moment de "l'amalgame" est venu, ils étaient d'autant plus nombreux qu'ils n'avaient pas pris trop de risques. Ceux des FAFL, en revanche, avaient été décimés. Disparus, Mouchotte, Guérin, Bouquillard, Maridor, de la Bouchère, Fayolle, Tulasne, Pigeaud, etc...
C'est la loi immorale des plus nombreux, et des vivants, qui ont le dernier mot.
Les médiocres qui vivent du sacrifice des meilleurs.
L'amalgame, peut AUSSI se comprendre comme ça. |