Bonjour,
C'est seulement le 28 décembre 1929, après plusieurs années d'études, de tergiversations, d'accords en désaccords... que le projet de la future ligne Maginot est présenté à la Chambre des députés.
Le débat - comme nombre de débats devant l'Assemblée - fut un morceau d'anthologie. Les députés s'empoignèrent (comme toujours: opposition contre majorité) aussi bien sur le choix d'une doctrine défensive que sur les prévisions budgétaires.
Les "orateurs" se succèdent à la tribune dans le brouhaha général, les invectives, les claquements des pupitres.... lorsque soudain s'élève des travées de l'Assemblée, martelée d'une voix forte par le député Joseph Bouëssé, une phrase qui démontre que les députés n'étaient pas aussi conservateurs et rétrogrades qu'on le disait : "Il y aura l'aviation !". Le silence s'abat soudain sur l'Assemblée interloquée. M. Thomas, député de Chalon-sur-Saône, en profite pour prendre la parole :
*** Nous raisonnons sur les données de la dernière guerre, et comme si l'invasion devait se produire avec de l'infanterie. Mais, déjà en 1917 et en 1918, une arme nouvelle a fait ses preuves et, dans une guerre future, que nous voulons croire impossible, elle jouerait un rôle plus terrible encore, je veux parler de l'aviation que vos tranchées en béton armé ne réussiraient évidemment pas à arrêter. On pourra transporter par aéronefs des troupes à l'intérieur du pays... [...] ***
Le député de Louhans, René Burtin est du même avis :
*** Si une nouvelle guerre éclatait, je crois qu'elle n'aurait pas la forme de celle que nous avons vécue. L'aviation y jouerait un rôle prépondérant. L'aviation de bombardement, protégée par l'aviation de combat, pénétrerait la nuit sur le territoire ennemi pour lancer des gaz toxiques sur tous les points sensibles, les points de concentration, de manière à semer la panique et à entraver la riposte. La technique même de l'aviation changera. Dans les conflits de l'avenir, les missions spéciales prendront une forme collective et des détachements entiers seront transportés par aéronefs sur certains points du territoire ennemi. ***
Le même député Burtin va plus loin encore :
*** Autrefois, selon la tactique napoléonienne, il fallait lancer la force numérique à l'endroit vulnérable de la frontière. Demain, pour vaincre, la forme de la guerre ayant changé, l'objectif sera de détruire les centres industriels, de frapper de panique les populations, de suspendre toute vie sociale chez l'adversaire que l'on obligera à signer la paix. L'arme aérienne, à mon sens aura le pas sur toute autre. ***
René Maginot, Ministre de la guerre et brillant orateur, retournera la situation en faveur d'une ligne fortifiée qui portera son nom.
Bien cordialement,
Francis. |