C'est aussi, en gros, la thèse de Alphonse Boudard dans son récit (romancé) L'étrange Monsieur Joseph (R. Laffont) dont voici la présentation sur le site Conflits actuels :
Avec son Etrange monsieur Joseph, c’est la formidable et trouble histoire d’un « margoulin » professionnel qu’il raconte. Rares sont les études consacrées à la collaboration économique, à ce marché noir ou officiel qui a fait tant de fortunes anonymes, des B.O.F. franchouillards de Jean Dutourd (Au bon beurre) au génial ferrailleur juif bessarabien Joanovici. Rares sont tout autant les évocations de ce personnage. Quelques fois, presque par hasard, au détour d’un roman parfois, celui-ci est évoqué. Ainsi, il faut une soirée du 31 décembre 1944 particulièrement froide et sinistre pour qu’Albert Dehousse, le Héros très discret de Jean-françois Deniaud (Olivier Orban, 1989), croise un « monsieur Jo » au comble de sa puissance, intouchable, certificat de résistance en poche, à la recherche d’un porte-plume prêt à lui écrire les 4 253 cartes de vœux qu’il destine à 4 253 obligés au « meilleur souvenir » desquels il entend se rappeler. Rusé, Joanovici n’aura eu, selon Alphonse Boudard, pour seule ambition que le pouvoir secret et pour seul maître permanent l’argent, même s’il reconnaît que l’ombre du Komintern a semblé planer sur le petit homme. Au service de l’un et de l’autre, il a été l’agent double et triple d’une période tout aussi multiple : fournisseur zélé et richissime des services économiques allemands, juif devenu citoyen soviétique en 1941 il se place au service de la « gestapo française » de l’avenue Henri-Martin et d’ailleurs, il s’impose en généreux bienfaiteur à la fois du réseau de résistance cryptocommuniste Honneur de la police et des œuvres de Lafont. Il fut également l’envoyé de la providence, celui qui tira des mains de la gestapo des résistants, celui qui acheta aux allemands la libération de condamnés à la déportation, comme la future Françoise Giroud. La Libération rend sans doute le parcours de Joanovici encore plus paradoxal. Alors que pour bon nombre de résistants, voire de collaborateurs en fuite ou dans les geôles, il n’est qu’un agent allemand, il apparaît triomphant, décoré, cité à l’ordre de la nation, et protégé par la police, par la justice, par la politique. Alphonse Boudard décortique ces mois un peu fous où la justice expéditive, de quelque police parallèle ou de quelques hommes de main passés nuitamment à la résistance, faisait taire opportunément les témoins embarrassants. Sans prétention scientifique, mais avec talent, il évoque cette époque où le docteur Petiot était devenu le capitaine Valéry dans la résistance et se voyait chargé par le parquet d’arrêter... le docteur Petiot. Et où celui qui l’appréhende sur un quai de métro est confondu quelques jours plus tard comme appartenant à la gestapo de Quimper.
Un bon bouquin dans le style fleuri et avec la gouaille du gars Alphonse (lui-même résistant) !
Cordialement,
RC |