Bonsoir
Un résumé de l'ouvrage de MM. Flohic et Raphaël-Leygues.
La légion africaine de l’amiral Laborde
En 1942 le comte Jean de Laborde, amiral à cinq étoiles, se prépare à entrer dans sa soixante-quatrième année. Lui qui commande alors la flotte de haute-mer est bientôt atteint par l’âge de la retraite. Comme beaucoup de futurs retraités il craint de s’ennuyer et se cherche ainsi une nouvelle occupation. C’est en effet un homme d’action. C’est aussi quelqu’un de viscéralement anglophobe et antigaulliste, de plus il est persuadé que l’Allemagne va gagner la guerre. Il souhaite donc apporter sa contribution à la victoire du Reich, croyant fermement à la politique de collaboration entre Vichy et Berlin.
Laborde se rallie alors au projet d’une personnalité (dont le nom reste inconnu) : reprendre le Tchad à la France Libre. Pour cela il souhaite former et prendre la tête d’une légion de 20 000 hommes. Recrutée parmi des marins et des prisonniers de guerre, cette force serait placée sous le commandement suprême de Rommel, commandant l’Afrika Korps. Pourquoi le Tchad ? Parce que ce territoire permet de relier l’Afrique de l’Ouest à l’Egypte et au Soudan. De nombreux avions alliés transitent en effet par l’AEF, permettant de soutenir l’effort de guerre britannique face aux armées de l’Axe en Libye.
Ce projet de Laborde est connu grâce à une série de huit lettres manuscrites adressées à l’amiral Platon et rédigées entre le 13 août et le 31 octobre 1942. Platon, secrétaire d’Etat aux colonies, est en effet un collaborationniste convaincu. S’ajoute à ces lettres un rapport (également manuscrit) datant du 9 novembre et remis à Laval. Ce document traite de conversations techniques avec des militaires allemands. Tous ces papiers furent saisis au domicile de Platon par la Résistance en août 1944 et remis en janvier 1945 à la justice militaire. Ils furent ensuite transmis à la Haute Cour de Justice en mai de la même année.
Le 23 octobre 1942 Laborde est reçu par Laval qui a également convoqué Abetz et son adjoint Aschenbach. L’amiral peut ainsi défendre sa légion face au représentant d’Hitler. Ce dernier (Abetz) accueille favorablement ce nouveau projet de collaboration militaire et s’engage à en parler aux autorités du Reich. Le mois suivant (le 6 novembre) a lieu une nouvelle rencontre, à Paris cette fois-ci. Laborde s’y rend en secret sans en avertir Darlan (ce qui mécontenta celui-ci). Sont également présents Abetz, le docteur Rahn et trois colonels (dont le colonel Bohme). Au cours des discussions, Bohme demande à l’amiral s’il ne craint pas que son initiative mette « le feu à la maison ». Laborde lui répond qu’il avait « toujours pensé que la légion volontaire attaquant le Tchad serait l’allumette qui déclencherait cet incendie que j’attendais depuis deux ans ». Autrement dit, il souhaite la guerre contre la Grande-Bretagne. Et cela deux jours seulement avant le débarquement allié en Afrique du Nord.
Heureusement cette légion ne vit jamais le jour. La commission allemande d’armistice à Wiesbaden, après avoir interrogé l’Etat-major de la Wehrmacht, estima qu’il n’était pas matériellement possible de mettre sur pied ce projet. On peut aussi se demander s’il n’y avait pas d’autres raisons à ce refus. En effet les autorités allemandes furent toujours réticentes à accepter la création d’une force militaire française. Ainsi Hitler avait-il limité les effectifs de la LVF à ceux d’une division, chiffres qui ne furent d’ailleurs jamais atteints.
Lorsqu’il fut jugé par la Haute Cour de justice fin mars 1947, Laborde fut bien évidemment interrogé sur cette fameuse légion. Pour se défendre, il affirma qu’en réalité il souhaitait uniquement obtenir la libération de 60 000 à 80 000 prisonniers. Il n’aurait jamais eu la volonté de créer une telle unité, de plus il ne croyait pas vraiment à la faisabilité d’une pareille opération. Ses lettres à Platon et ses conversations avec les Allemands ne plaidaient pas en sa faveur et les juges ne furent pas convaincus.
Cordialement
Igor |