Bonjour,

On sait que répondant à l'appel de Churchill, Roosevelt apporta à l'Angleterre l'aide matérielle souhaitée sans provoquer de véritables remous dans l'opinion publique américaine qui était globalement isolationniste.
Il n'en sera pas de même lorsqu'il fut question d'aider l'URSS. Emmenés par l'ancien président Hoover et une partie du clergé, les milieux catholiques étaient farouchement opposés à toute aide à la Russie communiste. Ils s'appuyaient sur l'encyclique "Divini Redemptoris" [1] [2] et plus particulièrement sur le passage suivant : "Le communisme est intrinsèquement pervers et personne qui veut sauver la civilisation chrétienne ne peut collaborer avec lui en quelque entreprise que ce soit". Quelques rares évêques tentèrent bien d'interpréter le texte en faisant la distinction entre le peuple russe et le régime communiste. Ils ne soulevèrent qu'un tollé général.

Roosevelt comprit rapidement que pour obtenir l'adhésion des milieux catholiques et pour s'assurer la majorité au Congrès, le salut viendrait de Rome.
Myron Taylor, le représentant des Etats-Unis près le Saint-Siège, fut chargé de convaincre Pie XII de mêler sa voix à celle des Alliés. Le pape s'y refusa, arguant qu'il ne "pouvait pas mêler sa voix à celle des hommes politique car il se rendrait suspect de partialité vis-à-vis de l'un ou l'autre camp".
A la seconde question, la plus importante - l'interprétation de l'encyclique Divini Redemptoris - Mgr Maglione, Secrétaire d'Etat, s'étonna qu'un texte aussi clair pût faire l'objet de doutes: "Le Saint-Siège a condamné et condamne le communisme. Il n'a jamais prononcé une parole, et il ne peut la prononcer, contre le peuple russe". Comme Taylor insistait pour que la pape expliquât lui-même l'encyclique, le cardinal répéta qu'il n'en voyait pas la nécessité.
Après plusieurs jours de pourparlers, il fut enfin convenu que le délégué apostolique [3] à Washington serait autorisé à répondre de vive voix, de manière discrète et réservée, aux prélats qui l'interrogeraient sur l'interprétation à donner à l'encyclique : "il n'y a rien dans l'encyclique de Pie XI contre le peuple russe". Par ailleurs, les évêques qui se prononceraient publiquement dans ce sens devraient éviter toute référence au Saint-Siège.
Les chemins de la diplomatie vaticane sont bien tortueux.

Notons que quelques semaines plus tard, l'agression japonaise et l'entrée en guerre des Etats-Unis modifiaient les données du problèmes. Les Etats-Unis et l'Union soviétique devenaient, par la force des choses, alliés dans la lutte contre l'Allemagne.

Bien cordialement,
Francis.

[1] Pour information (et éventuellement le salut de vos âmes), l'encyclique "Divini Redemptoris" in extenso sur le site du Vatican:
[2] L'encyclique "Divini Redemptoris" est datée du 19 mars 1937 et suit de quelques jours l'encyclique "Mit brennender Sorge"
[3] Mgr Amleto Cicognani (délégué apostolique à Washington) à ne pas confondre avec son frère, Mgr Gaetano Cicognani, nonce en Espagne.