Bonjour,

Les rapports de Lattre - de Gaulle... Mmmm... Voilà qui pourrait fournir le sujet d'une (petite) étude bien intéressante.
Après la guerre - les deux guerres, devrait-on dire, car de Gaulle, consulté par de Lattre, l'a laissé s'enfoncer lui aussi dans le bourbier indochinois qui lui prit son fils et finit de démolir sa santé - , les "delattriens" vétérans de "Rhin & Danube" ont parfois accusé les gaullistes et le Connétable himself de toutes sortes de manœuvres en coulisses pour discréditer et circonvenir les "folies" du roi Jean.
J'avais écrit que de Lattre était sans doute plus militaire que de Gaulle, politique avant tout à partir de fin 1942, même si le futur maréchal savait ne pas fâcher l'avenir grâce à un flair finalement aussi très... politique qui ne l'a pourtant pas tenu éloigné de l'Indochine 12 ans plus tard.

C'est réellement lorsque la Wehrmacht franchit la ligne de démarcation que de Lattre bascule dans une dissidence qui n'est pas gaullienne comme le souligne justement Arcole. Il veut résister, même de façon limitée, car il connaît l'importance des symboles chez les Français. (comme de Gaulle.) A partir du 10 novembre (1942), son biographe nous dit qu'il a pris ses dispositions, car il sait que les Allemands vont occuper la zone Sud quand les Alliés auront réussi à prendre pied solidement sur les côtés et dans les villes d'AFN. Le 11 novembre, ses agents lui annoncent le franchissement de la ligne. Au téléphone avec Vichy, croyant avoir en ligne Revers, il tombe sur Bridoux, tout acquis à la collaboration et donc soucieux de ne rien faire qui pourrait gêner Pétain. Bridoux dit à de Lattre être informé du mouvement anormal de ses troupes et lui donne l'ordre de cesser immédiatement et de rester dans ses casernements. De Lattre raccroche sans rien ajouter. Vichy ne bougera pas.
Mais Bridoux (secrétaire d'Etat à la guerre) a des "délateurs" autour de De Lattre et il va prendre des mesures pour l'isoler. Un Bonnet de La Tour, par ex., qu'une progression au tableau d'avancement par Bridoux va aider à trahir son camarade de promotion à Saint-Cyr.... Ce qui fera écrire à de Lattre que la plupart de ces anciens combattants souvent héroïques de 14-18, devenus cadres supérieurs, n'osent plus. Ils ont opété pour l'obéissance passive contre la dignité de la rebellion. Le 12 novembre, la tentative de monter des maquis a échoué pour des raisons humaines et techniques et surtout en raison de l'isolement des jeunes officiers désireux de suivrede Lattre. La Tour a été nommé à sa place à la tête de la division... De Lattre répond par téléphone au préfet de Montpellier qu'il ne veut pas rentrer pour recevoir les Allemands.
Il se rend et est gardé à vue dans une petite gendarmerie.
Difficile d'affirmer l'état d'esprit "politique" précis du général après ce coup raté, mais je crois que l'on peut exclure un désir précis de ralliement à la France libre en cette fin 1942. Pour le moment, c'est en prison que de Lattre va ruminer les petites et grandes trahisons au sein de l'armée française.

Bien cordialement,

RC