Bonjour,
J'ai lu votre réponse, et je serai davantage sceptique à son égard, à deux points de vue : moral tout d'abord, stratégique ensuite.
Vos arguments sont moralement discutables. Vous écrivez ainsi : "These 12 Waffen SS were traitors, because they choose to fight for the ennemy. And moreover they had sworn fidelity with Hitler. In France a lot of people suffered from german occupation, but the soldiers of LVF and Charlemagne prefered fight for the Third Reich. It is a shame for France ! "
Vous ne l'inscrivez pas noir sur blanc, mais vous l'insinuez : exécuter ces SS (car le fait même de l'exécution n'est pas contesté, il me semble) était justifié par les circonstances. La France a souffert de l'Occupation, et ceux qui l'ont trahi ne méritaient pas d'y survivre.
Le problème est qu'avec de telles justifications, l'on pourrait encore aller plus loin, et exonérer des criminels de guerre nazis, traumatisés par la nécessité de vaincre le totalitarisme soviétique (qui justifie le massacre des prisonniers de guerre soviétiques ?) et par le bombardement des villes allemandes (qui justifie le massacre de cinquante pilotes évadés du camp de Sagan, ou le lynchage organisé des équipages de bombardiers alliés décrété par Bormann, ou encore le massacre de Malmédy commandité par Jochen Peiper ?).
En l'occurrence, l'incident de Bad Reichenhall constitue, basiquement, un meurtre de prisonniers de guerre et, par voie de conséquence, un crime de guerre. En poussant le raisonnement juridique plus loin, Leclerc méritait un procès - comme tant d'autres, allemands, japonais, italiens ou alliés.
Ce qui n'enlève rien au fait que, comme vous l'écrivez : "This man is a hero for French, because as of the summer 1940, he decided to continue the combat, in order to overcome nazism and release France. He choose the good way, contrary to the men of LVF and Charlemagne." Bad Reichenhall révèle au moins que les héros les plus exemplaires pouvaient aussi avoir leur face sombre, ou alors - afin d'éviter ici tout jugement moral - que la notion de vie humaine reste toujours aussi relative en temps de guerre.
Dernière chose. Vous écrivez : "Maybe you admire the Waffen SS soldiers, but not me." Evidemment, je n'irai pas jusqu'à admirer les Waffen SS (vu le pédigrée des bonshommes). Mais au risque de paraître odieusement hypocrite et idéaliste, je crois qu'il s'agit d'abord d'appliquer la Justice. On pouvait avoir rallié la France libre et agir en criminel - comme le démontrera par la suite la Guerre d'Algérie.
Je ne cherche pas à me poser en moraliste pontifiant, en particulier pour un événement aussi lointain, survenu à une époque où des peuples entiers disparaissaient de la surface de la Terre. En vous efforçant de justifier Bad Reichenhall, vous faites le jeu des fachos de tout poil qui ne se priveront pas de resservir le même argument, s'agissant de l'armée allemande ou des SS, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité - vous avez vu que votre crétin de contradicteur, Dragon Noir (sic), s'en donnait depuis lors à coeur joie. D'autre part, perpétuer la légende d'un Leclerc menant une guerre propre n'aboutira qu'à la démolition de son image, lorsque les voix se feront plus nombreuses pour évoquer Bad Reichenhall, et que se créera l'impression d'une contestation de la "version officielle". Car d'une manière ou d'une autre, le public finira par en entendre parler : et il risque de se demander pourquoi tant d'officiels, de mémorialistes, de journalistes et d'historiens ont tenu à taire ce massacre, et si une telle attitude des intellectuels et des institutions ne se retrouve pas dans d'autres champ d'études (comme, par ex. et au hasard : le génocide juif...).
Pour finir, nier ou minimiser l'exécution de Bad Reichenhall fait obstacle à la compréhension du personnage même de Leclerc - autrement dit, lorsque la légende est mise en avant, l'Histoire, une fois encore, perd du terrain. Il m'intéresserait, à titre personnel, de savoir comment un individu aussi manifestement extraordinaire en est venu à une telle extrémité - qui n'en était peut-être pas une à l'époque, du moins qui n'était pas perçue comme telle (ainsi que vous le mentionnez, l'Occupation avait été particulièrement sévère, d'où une haine française envers le "Boche"). Bad Reichenhall constitue-t-il une exception ? S'agit-il au contraire d'une pratique courante ? Dans l'affirmative, comment l'expliquer ? Tout comme les bourreaux nazis ont fait l'objet d'études sociologico-historiques (voir Milgram ou Browning), que les tortures de l'armée française en Algérie deviennent également un objet d'Histoire (voir l'excellentissime "La Torture et l'Armée pendant la guerre d'Algérie 1954-1962", de Raphaëlle Branche, Gallimard, 2001), pourquoi le parcours combattant de la 2e DB ne serait-il pas étudié de la même manière, d'un oeil froid et dépassionné ?
Ayé, j'ai posté le message qui va faire voler en éclats ma petite popularité, alors déchaînez-vous ! ;-) |