C'est véritablement dans les années soixante que la controverse Werther atteint son apogée, ce qui n'est certes pas un hasard chronologique. Cette décennie constitue également un summum de la paranoïa vis-à-vis du KGB, que l'on présente - suite à la défection de Kim Philby en 1963 (après trente ans de bons et loyaux services à Moscou), aux révélations fracassantes du transfuge Golytsine, aux divers scandales qui éclaboussent la Grande-Bretagne, la RFA, la France même - comme étant infiltré à tous les échelons gouvernementaux occidentaux. S'il a été prouvé depuis que la percée soviétique avait été, en l'occurrence, profonde, rien de commun avec cette description d'une pieuvre bureaucratique dont l'objectif était de faire tomber l'Ouest avant les années 1980...
Mais l'image a perduré, et cette idée que des espions pouvaient faire partie des élites civiles et militaires a stimulé les imaginations - voir ainsi en Grande-Bretagne la regrettable controverse sur le Cinquième Homme de Cambridge, dans laquelle ont été accusés ou soupçonnés (à tort) divers haut-responsables britanniques. Ce qui, à mon sens, a rejailli sur le domaine des études de la Deuxième Guerre Mondiale : si les Soviétiques possédaient des "super-traîtres" au sein des institutions des pays-membres de l'OTAN, il en avait sans doute été de même pendant la guerre. Certains écrivains trahissent même leur anxiété à l'idée que Werther puisse encore être en activité à cette époque, qu'il se terre dans la Bundeswehr ou dans les bureaux du Bundesnachritensdienst... |