"...Au mois de juillet 1944, l'armee alliee d'Italie etait arretee par ordre en pleine victoire et devait former des faisceaux sur les bords de l'Arno devant Florence. Elle etait stoppee dans sa poursuite de l'armee Allemande, defaite. Le haut commandement allie refusait la victoire d'Italie.Lui accorder tant d'importance derangeait ses plans. Il avait decide d'entreprendre autre chose, c'est a dire l'operation Anvil prevue depuis longtemps, le debarquement en Provence, auquel il ne voulait pas renoncer. Lourde faute qui allait entrainer la longue campagne de France , d'Allemagne et d'Autriche. Les operations allaient s'eterniser pendant une annee encore, avec l'obligation de franchir durant l'hiver la triple et redoutable defense de la ligne Maginot, retournee contre nous, de la ligne Siegfried et enfin du Rhin. Que de ruines supplementaires en France,que de pertes inutiles en perspective!
J'avais l'honneur a cette epoque d'etre aupres du General Juin. J'atteste qu'il fut le premier a prendre position et a s'indigner contre une telle decision, avec toute la force de sa conviction.
Je le revois sous cette tente bureau, non loin de San Gimignano, dans un taillis de chenes, frappant de sa main blessee la carte de l'Europe, deployee sous nos yeux. Quoi!
On arretait l'armee en plein elan, alors qu'elle n'avait qu'a foncer pour traversersans coup ferir la plaine du Po, obliquer vers l'Est, franchir le seuil de Venetie, atteindre Lioubliana ( mais le haut commandement ignorait donc tout de son Histoire), arriver sur le Danube et , par le quadrilatere de Boheme et par Dresde, faire irruption en Allemagne tournant ainsi toutes ses defenses orientees face a l'Ouest et entrer a Berlin avant les Russes!
Quelle folie! On ne devrait jamais arreter une armee dans la victoire, jamais!
C'etait pour un chef la pire des fautes militaire et pour un gouvernement l pire des erreurs politiques!
Cela se payait toujours tot ou tard dans l'avenir. La note a regler serait lourde d'avoir brise les ailes de la victoire d'Italie!
Or le haut commandement allie ne comprenait rien a la situation generale. Il demontait en piece detachee l'Armee d'Italie, la dispersait, la detruisait, il lui enlevait en premier le corps expeditionnaire Francais, pour l'envoyer aux bains de mer sur la Cote d'Azur, alors que cette armee, trempee au feu de nombreuses batailles , constituait le fer de lance que rien ne pouvait arreter! Oui c'etait une erreur inexpiable!
Cela je l'ai entendu de la bouche du General Juin, ce soir de juillet, alors que d'innombrables lucioles erraient autour de nos tentes, s'allumant, s'eteignant et se rallumant tour a tour, comme s'epuisent et se raniment des espoirs qui ne veulent pas mourir. Nous etions 4 a l'entourer. Nous avions longuement disserte avec lui de ce sujet qui nous tenait a coeur a tous. Juin voulait renouveler a l'echelle de l'Europe sa manoeuvre de la peninsule Italienne. Conception hardie et nette qui fut bientot adoptee et defendue par Mark Clark, par Alexander, Maitland Wilson , puis par Churchill lui meme lorsqu'ils en furent informes. Mais en vain. Les des etaient jetes. Rossevelt avait d'autres desseins..." |