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Dans sa remarquable petite bio, Julian Jackson tente le portrait idéologique de Charles de Gaulle et expose l'enjeu de la dynamique gaulliste qui s'exprima dans le gaullisme de guerre. Il écrit :
Il est vain de vouloir réduire le gaullisme à une seule source d'inspiration. Le gaullisme résulte de la combinaison d'un caractère exceptionnel, d'une filiation intellectuelle spécifique et d'une donne historique particulière. De Gaulle est un homme de haute culture. Amoureux de Chateaubriand et de Corneille, influencé par le pragmatisme de Bergson, imprégné du nationalisme mystique et romantique de Barrès et Péguy, aussi bien que du nationalisme classique de Maurras, il adhère aux vues sociales du christianisme comme aux idées du maréchal Lyautey sur le rôle social de l'officier. Le Général, lecteur de Nietzsche, connaît aussi les écrits de Machiavel et de Clausewitz, et il s'est intéressé aux débats des années trente sur la réforme de l'Etat. Ces influences initiales situent de Gaulle nettement à droite de l'échiquier politique. D'ailleurs, dans les années quarante, s'il ne se range pas derrière l'antirépublicanisme pur et dur d'un Maurras, son estime pour le régime républicain est toute relative. Tout au plus peut-on dire que c'est un "républicain de raison" mais non "de cœur".
Entre 1940 et 1944, le peuple occupe une place croissante dans sa vision du monde, ce même peuple qu'il va rencontrer en août 1944 sur les Champs-Elysées. (...) C'est à partir de cette époque que la pensée politique gaullienne se mue en doctrine.
Et si les notions clé du gaullisme se réduisent à une trilogie bien connue - une certaine vision de la France, une légitimité politique fondée sur le peuple et la nécessité d'un Etat fort - on peut dire, en résumé, que son éducation a inculqué la première au Général, qu'il a découvert la deuxième durant la Seconde guerre, et que son expérience gouvernementale de 1946 lui a montré comment inscrire la troisième dans la réalité.
(...)
Pour de Gaulle, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Le cycle des événements qu'il a traversés entre 1940 et 1944 s'apparente à une version condensée de cette chronique d'ombres et de lumières, de grandeur et de déclin, qui caractérise selon lui l'histoire de France depuis la Gaule antique.(...)
Alors l'historien anglais peut conclure son exposé par un résumé de l'enjeu du gaullisme :
L'enjeu du gaullisme, c'est bien celui-là : recréer ces instants fugaces, ces miracles de "conscience nationale", grâce auxquels Charles de Gaulle, jeune homme issu de famille catholique et monarchiste, né sous une république anticléricale, a découvert le sens de son existence.
(p. 92-95)
Pas mal vu !
Bien cordialement,
RC |