Cette majorité issue du RPR semble parfois gênée lorsque l'ombre du grand Charles se glisse à la tribune des grands meetings consensuels et vient chatouiller les pieds des importants du parti de Chirac, Juppé et Sarkoz'y-va à donf' avec la répress' maxi. Pour certains, le rappel de son action historique mais surtout symbolique est presque insupportable tant leurs horizons actuels semblent étriqués et mornes : gérer la crise, enfin la succession de crises, voilà à quoi en sont réduits les ministres, les députés et les maires de la majorité de centre-droit au pouvoir, ou plutôt aux affaires. De Gaulle, lui, était au pouvoir !
Des historiens spécialistes du gaullisme en sont arrivés au constat que Charles de Gaulle n'avait jamais eu d'authentiques héritiers. Depuis l'expérience navrante du RPF, de 1947 à 1953, il disait quelques fois qu'il n'y avait pas de gaullistes en France, une boutade pour réaffirmer sa méfiance profonde à l'égard des partis politiques et des "ismes" idéologiques. De là à penser que de Gaulle lui-même ne se sentait pas gaulliste... L'échec sur la durée du RPF est révélateur de la dimension hors toutes catégories du connétable. Il n'y croyait pas et puis voir ressortir toutes les hontes de Vichy à travers certains députés "gaullistes" devait le laisser songeur quant aux limites de l'exercice.
La force du personnage Charles de Gaulle tient dans son exception, voire son anachronisme : il est nationaliste sans être exclusif, méprise les rapports marchands et n'est pas indifférent à la condition des classes défavorisées et des peuples du Tiers-Monde émergeant dans les années 50 et 60. En voulant l'éliminer, les soldats perdus de l'OAS pensaient créer une stupeur et une panique monstre dans tout le pays leur permettant d'instaurer un régime militaire, une dictature de type franquiste ou "salazariste".
Mais il passait à travers les cercles de feu, comme l'écrit si bien Jean Lacouture, et semblait narguer les déserteurs- tireurs d'élites de la Légion au Petit-Clamart.
S'il n'a pas été tué dans les attentats des ultras, il risque en revanche d'être "oublié" par la nouvelle génération des cadres sans âme de la majorité. Ils auront réussi là où ses opposants violents avaient échoué : faire de sa pensée unique un objet de curiosité vaguement respectable mais réservé aux seuls chercheurs.
Bien à vous,
René Claude |