... tout simplement une codification militaire alphabétique :
Anne-Marie
Béatrice
Claudine
Dominique
Eliane
Françoise
Gabrielle
Huguette
Isabelle
Junon
A, B, C, D, E, F, G, H, I, J...
Je crois que certains CR échappent à cette règle ("Opéra" par exemple), tandis que "Françoise" et "Junon" sont mis en place tardivement ("Junon" c'est sûr, "Françoise" je ne sais plus trop), mais en tout cas, pour autant que je le sache, s'il faut trouver une logique à ces prénoms féminins, elle est dans l'alphabet ;-)
Par ailleurs, il faut concevoir la cuvette comme les gradins d'un stade de football, mais l'intérieur de la cuvette n'est pas ras comme une pelouse sportive (ou un publis thaï, diraient peut-être les anciens d'Indo ;-)). Elle est rendue irrégulière par des hauteurs, la plupart transformées en CR ("Gabrielle", "Béatrice", "Eliane"), moins élevées que les bords de la cuvette elle-même, mais tout de même surnageant au-dessus des rivières (d'où vient l'assaut).
Aussi, si la position est déplorable en termes d'appui-feu (les Viets tirant du haut vers le bas et pouvant observer sans problème la base aéroterrestre/camp retranché, elle est favorable en cas de combat d'infanterie, puisque ce sont les Français qui tirent du haut vers le bas (sauf qu'un certain nombre de CR/PA sont installés dans les rizières, mais pas tous).
Je rebondis également sur les questions relatives au choix : on oublie trop fréquemment de mentionner que jamais les Français n'ont eu l'intention de se laisser enfermer dans la cuvette lorsqu'ils ont déclenché "Castor". Le but de l'opération était de monter une base d'opérations OFFENSIVE dans la Haute-Région, tenue par quelques bataillons d'infanterie (une demi-douzaine) et servant de pivot de manoeuvre à deux ou trois bataillons parachutistes. Comme il doit s'agir d'un point de fixation pour les Viets sur la route du Laos, l'éventualité a bien sûr été envisagée que la position soit attaquée, mais ce n'est pas avant l'échec des raids de décembre 1953 (les paras évoluant dans un terrain déplorable sont incapables de déboucher de la région et sont donc techniquement bloqués dans leurs mouvements, limités à quelques kilomètres seulement de Dien Bien Phu) que l'on est sûr de la faillite du principe même de la base aéroterrestre soutien d'actions offensives en Haute-Région. Il est à noter tout de même que de nombreux bataillons d'infanterie rejoignent la position par aérotransport à partir de cette date et en janvier 1954, témoignant d'une volonté de renforcement défensif qui ne présidait pas avant aux décisions concernant le camp (les deux ou trois bataillons paras étant chargés de fixer les forces viets dans cette région difficile à distance de la cuvette, la défense est alors relativement limitée - une demi-douzaine de bataillons, je crois, mais il faudrait confirmer).
Le principe de la construction d'une base aéroterrestre dans le secteur n'est pas mauvais en lui-même, encore qu'il s'affranchisse abusivement des contraintes logistiques et ne permet aucune solution de dégagement viable en cas d'arrivée du corps de bataille viet (la seule solution étant une réédition de Na San dans des circonstances bien moins favorables et un appui extérieur, notamment aérien, limité). Le problème, c'est que personne à Hanoï n'avait prévu que les Viets amèneraient tout leur corps de bataille aussi vite, ni qu'ils déploieraient une telle puissance de feu, ni en conséquence que la piste ne fonctionnerait plus au bout de deux semaines de combat (les derniers jours de mars étant particulièrement délicats pour les pilotes de toute manière - et nul doute que le sort de la bataille eut été différent avec des tirs de contre-batterie efficaces et un pont aérien régulier capable d'évacuer les blessés et d'injecter des forces fraîches et organisées dans la bataille).
Cela ne signifie pas que Navarre a été pris de court. Il voulait poursuivre dans cette voie et le 13 mars, il est satisfait que les Viets crèvent l'abcès. Cela me fait penser à Gamelin se frottant les mains à l'idée qu'il a sa "bataille de la Somme améliorée", les premiers jours de "Gelb"...
Bref, Dien Bien Phu est une erreur stratégique majeure, doublée de déficiences tactiques rédhibitoires (jamais le bataillon de la 13ème DBLE sur "Béatrice" n'aurait dû être aussi mal fortifié ! Il n'y avait aucune profondeur au dispositif !!! Un tir d'artillerie égal un coup au but, un raid massif de bo-doïs égal la perte d'un PA sans possibilité de se replier bien loin - il n'y avait que trois PA sur "Béatrice"). Mais c'est aussi une bataille où l'héroïsme, l'esprit de sacrifice et de camaraderie ont toujours été au premier plan de la conduite des troupes françaises (avec le détestable contrepoids des "rats de la Nam Youn" hélas). Sans cet état d'esprit magnifique de la troupe, illustrée encore par l'afflux de volontaires non brevetés TAP pour sauter sur la cuvette jusqu'à début mai, jamais le GONO n'aurait tenu 56 jours...
Mais comme on le dit encore aujourd'hui dans l'armée même : l'armée française dispose d'excellents soldats, particulièrement en terme de sous-officiers et d'officiers subalternes, mais de très mauvais chefs. A chacun de se faire son avis, et sans vouloir généraliser à outrance bien sûr ;-)
Loic |