Tout ne fut pas tenté.
On lit dans les mémoires de celui qui occupa le poste de Jean Moulin par intérim qu'il contacta les mouvements afin de savoir s'il était possible de libérer le représentant de De Gaulle :"Faire l'impossible pour faire libérer Jean Moulin devient, dans l'immédiat, mon premier souci." Il prend contact avec un ancien commissaire de police, Porte, spécialiste de ce genre de coup de main et qui avait travaillé à Chartres avec Jean Moulin. Ils font des plans, étudient les possibilités et voici ce qu'écrit Bouchinet-Serreules :"Après consultations approfondies avec les mouvements dont tout dépend, nous sommes obligés de déclarer forfait. Tout paraît insurmontable : la distance des maquis que l'on peut dénombrer, leurs maigres effectifs, la question de leur transport jusqu'à Lyon. " et d'ajouter qu'il ne dispose pas des millions nécessaires pour monter une telle affaire...
Plus loin, il dit son admiration pour la ténacité d'une Lucie Aubrac qui, elle, a TOUT mis en oeuvre pour faire évader son mari Raymond. (c'est B.-Serreules qui finança l'opération !)
Si une femme comme Lucie qui n'avait pas l'influence politique et militaire des chefs de la Résistance parvint à ses fins avec ingéniosité et une persévérance admirable mais donc réaliste, selon moi, il est bien clair que les chefs des principaux mouvements n'ont pas vraiment TOUT entrepris pour tenter de libérer Jean Moulin. D'ailleurs, Bouchinet-Serreules l'admet dans les pages de son livre, l'arrestation de l'ancien préfet profitait aux mouvements qui espéraient ainsi s'émanciper de la tutelle gaulliste.
Un manque de vision politique est caratéristique des décisions prises par certains chefs à un moment où la France Libre et ses amis avaient besoin du soutien de toute la résistance intérieure afin d'affirmer le retour d'une forme d'indépendance politique nationale face aux menées anti-gaullistes d'un Roosevelt et au néo-vichysme d'un Giraud.
Bien à vous,
René Claude |